M'est donné un corps
M'est donné un corps, que devrais-je en faire,
Un corps si un, un corps si mien ?
Pour la joie douce de respirer et de vivre,
Dites-moi, à qui dois-je rendre grâce ?
C'est moi le jardinier et moi la fleur,
Dans la prison du monde, je ne suis pas seul.
Et sur les vitres de l'éternité
Mon souffle et ma chaleur se sont posés,
Un léger dessin s'y sera fixé
Et qu'on ne reconnaît plus désormais.
Mais qu'elle s'écoule, de l'instant la buée
Ce précieux dessin, on ne peut l'effacer.
Ossip Mendelstam
"La Pierre", 1906-1915
Traduction inédite de Laurent Rabaté
in Fabrice Midal, Être au monde, Les Arènes, 2015
© Michèle KATZ 2002